MON PREMIER COMMANDEMENT
Capitaine au
long cours Alain LE ROUX
Je
prenais mes congés de second-capitaine du porte-conteneurs roulier
Atlantic
Cartier lorsque le Directeur de l'Armement de la Compagnie
Générale Maritime me proposa d'embarquer en qualité de commandant
à bord du navire Gauguin.

CGM Gauguin au Havre
Après une rapide
réflexion, j'ai accepté d'embarquer à bord de celui qui sera
le vendredi 9 septembre 1988 le CGM California immatriculé
à Rangoon sous le pavillon de la Burma Navigation Corporation
avec équipage de 25 birmans de la Wallem Shipmanagement. La
Compagnie de Navigation d'Orbigny gérait les deux officiers
français, à savoir le commandant et le chef-mécanicien. Le Capitaine
d'Armement me contacta par téléphone pour me demander de me
rendre à Marseille à bord du Renoir afin de rencontrer le commandant
et m'entretenir avec lui sur le fonctionnement et la gestion
d'un tel navire. En rentrant de Marseille, j'ai rejoint Le Havre
où je remplaçais celui qui avait débarqué l'équipage français
et reçu l'équipage birman lors de l'arrêt technique d'Anvers.

CGM California à
Bremerhaven
Séjour au Havre
Arrivé à bord,
j'ai pris la suite du commandant débarquant et j'ai rencontré
le chef- mécanicien d'origine Transat comme moi. Au repas du
soir, j'ai fait la connaissance des officiers birmans. Les deux
français mangeaient à une petite table et les huit officiers
birmans à la grande table. Nos plats étaient moins épicés que
ceux des birmans ; d'autre part des pommes de terre remplaçaient
très souvent le riz qui était servi aux birmans à tous les repas.
Le mercredi 7
septembre 1988, nous avons déhalé du Quai Johannés Couvert au
Quai de Bougainville, assisté d'un pilote et de deux remorqueurs.
La manœuvre fut terminée à 21h40 après le franchissement de
l'écluse François 1er. Je venais d'effectuer ma première manœuvre
de commandant. Nous avons appareillé le vendredi soir 9 septembre
1988 pour aller mouiller sur rade du Havre en attente d'instructions.
J'ai terminé mon premier mouillage le samedi 10 septembre à
00h42. Nous sommes restés au mouillage jusqu'au vendredi 16
septembre à 00h24, heure à laquelle j'ai fait relever l'ancre
par le bosun. Nous avons accosté au Quai de l'Europe dans la
journée du 16. Au moment du départ, le second-capitaine birman
m'a signalé un problème d'axe de rampe arrière qu'il fallut
réparer avant d'appareiller.
Premier
voyage commercial
Tournée du Nord
Nous avons appareillé
à 11h00 le samedi 17 septembre 1988 à destination de Hambourg.
Ne connaissant pas la fiabilité des officiers birmans et sur
recommandation de mon prédécesseur, je suis resté en permanence
à la passerelle. Pour le chargement à destination de la Côte
Ouest d'Amérique du Nord : Long Beach, San Fransisco, Seattle,
Vancouver, nous étions en concurrence avec notre sister-ship
Renoir / CGM Columbia qui venait de Marseille.
Au vu de notre incident de rampe, il fut décidé par la Direction
de la ligne P.E.X ( Pacific Europe Express ) à Paris que ce
dernier chargerait le premier et que nous attendrions au mouillage
à proximité du bateau-feu Elbe 1 . Au cours de la traversée,
nous avons eu un premier incident de machines qui nous obligea
à stopper un moteur pendant une heure. Il était 17h48 le dimanche
18 septembre lorsque j'ai mis le Terminé pour la Machine.
Après le repas
du soir, je suis monté à la passerelle pour rédiger mes consignes
et j'ai parlé avec mon collègue du CGM Columbia qui arrivait
au pilote d'Elbe. Ensuite, je suis descendu dans ma chambre
pour prendre un repos bien mérité.
Nous étions toujours
au mouillage Outer Elbe le vendredi 23 septembre 1988 lorsque
le vent fraîchit jusqu'à la force 8 ( coup de vent ). Vers 18h00,
le 2ème lieutenant birman fut appelé à la VHF par l'officier
de quart du bateau-feu Elbe 1; il ne comprenait les propos anglais
de celui-ci qui lui demandait d'appeler d'urgence le commandant.
Arrivé à la passerelle, je me suis tout de suite rendu compte
que la position du navire n'était plus celle du mouillage. L'officier
allemand m'informa que le CGM California chassait sur son ancre;
mon officier de quart ne s'en était pas rendu compte. Aussitôt,
j'ai prévenu le chef- mécanicien qui est descendu en cabine
contrôle pour démarrer les deux moteurs Pielstick, le second-capitaine
et le maître d'équipage ( bosun ) pour qu'ils se rendent immédiatement
sur le gaillard. Dès que j'eus le premier moteur en service,
j'ai donné l'ordre de commencer à virer la chaîne. Il fallut
les deux moteurs pour stabiliser la dérive du navire. Il était
grand temps de mettre en route, car nous arrivions en limite
Est de la zone de mouillage, ce qui nous rapprochait dangereusement
des hauts-fonds. Je suis remonté au vent et j'ai fait une boucle
pour reprendre le mouillage primitif en larguant plus de chaîne
que la première fois. Le samedi 24 septembre 1988 à 00h00, le
navire a chassé à nouveau sur son ancre par vent d'WSW force
8 à 9. Cette fois, le chef-mécanicien tarda à mettre les moteurs
en route et je commençai à être très inquiet. Finalement, au
bout d'un moment qui me parut long, j'ai pu appareiller à 00h45
après avoir relevé l'ancre tribord pour aller prendre la cape
dans le nord des routes recommandées TW après en avoir informé
Elbe Radar Control et l'officier de quart du bateau-feu Elbe.
Lorsque nous nous sommes dégagés, les vents soufflaient alors
en tempête force 10; j'avais opté pour des allers et retours
à faible allure sur la route choisie. La mer était très forte
à grosse. Le dimanche 25 septembre à 04h00, à la suite de l'amélioration
du temps, j'ai repris la route sur le mouillage Outer Elbe où
nous avons terminé la manoeuvre à 08h24.
Pendant le séjour
au mouillage, nous avons eu une panne d'ascenseur. En cherchant
la panne avec un tournevis, notre électricien birman a expédié
violemment la cabine au plafond de la cage. Les pattes de sécurité
sont sorties. Malgré un travail continu du chef-mécanicien,
celui-ci n'a pas pu être remis en service. Il a fallu faire
appel lors de l'escale à un technicien allemand pour le dépanner.
J'avais la preuve que cet électricien birman était bien nul.
J'ai alors demandé au Capitaine d'Armement de nous mettre à
bord un électricien indien en pensant à la maintenance future
des installations électriques et des conteneurs réfrigérés.
Ayant reçu les
instructions d'entrée à Hambourg, j'ai mis en manœuvre pour
embarquer le pilote d'Elbe à 21h50. Nous étions devant Cuxhaven
vers 22h30 lorsque le moteur tribord a stoppé sur sécurité avec
mise au ralenti du moteur bâbord. Nous sommes revenus à la situation
normale vers 23h15 pour une courte durée puisqu'une heure plus
tard l'incident recommençait. Je fis la manœuvre d'accostage
avec l'assistance imposée de deux pilotes de port et de deux
remorqueurs. Il était 04h12 le lundi 26 septembre 1988 lors
nous étions accostés au poste 76 dans le Bassin Kaiser Wilhemhafen.
Nous avons chargé dans la journée du lundi 26 septembre; le
second-capitaine n'ayant jamais navigué à bord d' un porte-conteneurs,
je me suis installé auprès de lui pour rentrer le poids des
conteneurs dans le loadmaster. Ce loadmaster reconditionné avait
servi à bord des navires ACL du type G2 ( Atlantic Champagne
- Atlantic Cognac puis G1 ( Atlantic Service ). Je l'avais utilisé
lorsque j'avais navigué en qualité de second-capitaine à bord
de ces navires.
Nous avions appris
par la Direction de la ligne P.E.X. à Paris que le CGM Columbia
avait dû décharger 500 tonnes de conteneurs à l'escale du Havre
pour la raison d'un manque de stabilité du navire en fin de
chargement.
Notre chargement
fut terminé à 15h00. L'équipage birman n'ayant pas l'expérience
du saisissage, j'ai fait la ronde sur le pont pour vérifier
le bon verrouillage des twistlocks et le bon serrage des ridoirs
en compagnie du contremaître allemand, du maître d'équipage,
des matelots birmans. A la suite de la découverte d'une avarie
majeure sur le système d'accouplement du moteur tribord, j'ai
pris la décision d'annuler le départ fixé à 15h30 et de faire
appel aux chantiers de réparations après avoir prévenu le Chef
du Service Technique CGM. Aussitôt, la décision a été prise
par les autorités portuaires de nous déhaler à un poste d'attente
de l'autre côté et au fond de la darse. Nous avons manoeuvré
par vent de travers force 7 avec l'assistance d'un pilote et
de trois remorqueurs. La réparation dura jusqu'au samedi 1er
octobre 1988.
Nous avons appareillé
de Hambourg le samedi 1er octobre 1988 à 11h48, assisté d'un
pilote et de deux remorqueurs. Nous étions sortis de la darse
et avions effectué l'évitage dans Vorhafen lorsque le chef-mécanicien
m'informa d'une avarie de garniture de palier de ligne d'arbre.
Après que j'en eus informé le pilote, nous avons reçu par VHF
l'ordre de nous amarrer à nouveau au poste 76 pour effectuer
la réparation. Cet arrêt ne fut pas très long et nous avons
pu tout larguer à nouveau. Après être entrés en rivière Elbe,
nous avons largué les deux remorqueurs et nous avons chenalé
sans incidents jusqu'au bateau-feu Elbe 1. Au débarquement du
pilote, j'ai constaté une nouvelle avarie sur le renversement
de marche du moteur tribord. Le chef-mécanicien m'informa qu'il
s'agissait d'une avarie de l'accouplement élastique. C'est en
avant-demi sur le moteur babôrd que je fis route sur Rotterdam.
Pendant ma première traversée de la Mer du Nord avec mon équipage
birman, j'ai réalisé que je pouvais faire confiance au second-capitaine
et au deuxième officier qui étaient titulaires tous les deux
du ' first certificate ' ; par contre, je n'avais aucune confiance
dans le third officer.
Après avoir embarqué
le pilote à 16h30 le dimanche 2 octobre 1988, nous avons remonté
le Niew Maas Waterweg sur le seul moteur disponible. Le CGM
California a accosté à 19h30 dans le Margriethaven avec
l'assistance de deux remorqueurs.
Séjour
à Rotterdam
L'inspecteur-mécanicien
CGM à Paris et le chef de travaux de la CGM au Havre attendaient
sur le quai à l'accostage. J'étais heureux de les voir venir
au secours du chef-mécanicien. Les avaries à répétition sont
dues à un déplacement de l'arbre-manivelle. Dans l'espoir d'une
réparation rapide, le chargement fut commencé dès l'arrivée
à quai. Il fut suspendu le lendemain matin. Le défaut provenait
de l'arrêt technique d'Anvers; aussi, nous avons reçu l'assistance
d'un ingénieur du chantier belge ainsi que l'ingénieur de l'entreprise
de réparations allemande qui était intervenu à Hambourg. Le
jeudi 8 octobre 1988, la décision fut prise de décharger le
navire, de déhaler celui-ci à un poste d'attente et d'effectuer
d'importantes réparations. Au cours de cette escale, je fis
remplir le tank à huile de 300 tonnes d'eau douce pour l'amélioration
de la stabilité du navire lors des voyages futurs.
Il me fallait un
brevet birman pour continuer à commander le navire. La demande
fut adressée à Rangoon pour le chef-mécanicien et moi-même.
Nous avons reçu ce brevet à Rotterdam le mardi 6 octobre 1988.
Pendant le séjour,
notre inspecteur-mécanicien, ancien chef-mécanicien Transat
puis CGM s'est intéressé à l'avarie de l'ascenseur; il fut décidé
de confier la réparation à une société spécialisée de Rotterdam.
J'ai reçu, pendant cette escale, un électricien indien qui aurait
en charge, entre autres, la maintenance des conteneurs frigorifiques.
Le jeudi 20 octobre
1988, après réparations, nous avons largué les amarres pour
effectuer des essais dans le long Beatrixhaven qui était libre
de tout navire. Les essais ayant été satisfaisants, nous avons
appareillé le vendredi 21 octobre à destination de Hambourg
en ayant gardé à bord le spécialiste Pielstick.
Deuxième
voyage commercial
Tournée
du Nord
Au cours du chenalage
dans le la rivière Maas, le spécialiste Pielstick allemand constata
des erreurs de calage de la distribution et de la régulation
du moteur tribord. Après débarquement du pilote hollandais,
j'ai donc fait route sur la zone de mouillage Maas Nord pour
effectuer la réparation de la machine. Après réparation, j'ai
viré la chaîne et j'ai remis en route vers le mouillage Outer
Elbe où j'ai étalé le CGM California au même point que
la fois précédente à proximité du bateau-feu Elbe 1. J'ai remis
en manœuvre le dimanche matin 23 octobre 1988 pour effectuer
des essais en mer après la reprise de la régulation du moteur
tribord. Les essais étant satisfaisants, nous avons repris le
mouillage au même point à 11h42.
L'ordre d'entrée
à Hambourg est arrivé dans l'après-midi. J'ai embarqué le pilote
ce dimanche à 21h45. Cette heure correspondait à la remise en
ligne Pacific Europe Express du CGM California. C'était
le début de mon deuxième voyage commercial, le premier ayant
été très court puisqu'il fut commencé à Hambourg et terminé
à Rotterdam.
Après un chenalage
sans ennuis dans l'Elbe, la manœuvre d'accostage s'est terminée
à 03h30 le lundi 24 octobre 1988 le long du Container Terminal
Kaiser Wilhemhafen où nous avions effectué le premier chargement.
L'escale fut relativement courte, aussi nous avons appareillé
à 18h54 en laissant à terre un ouvrier-mécanicien qui n'était
pas rentré à l'heure de l'appareillage. Son livret maritime
fut confié à notre Agent. Nous avons appris en Elbe Amont que
celui-ci avait été récupéré sur le quai et qu'il arriverait
à bord à Brunsbüttel lors du changement de pilote. A la route
libre, j'étais très heureux d'avoir retrouvé un navire en bon
état de fonctionnement après tous les déboires que nous avions
subis. Nos escales de Félixtowe, de Rotterdam et du Havre ont
pu s'effectuer normalement. Comme dans tous les ports où nous
avions chargé les conteneurs, je fis moi-même une vérification
complète de la pontée, faisant reprendre par l'équipage-pont
que j'avais formé tout ce qui n'était pas dans les normes de
saisissage.
Nous avons appareillé
du Havre le vendredi 28 octobre 1988. J'avais choisi de prendre
une route orthodromique dur l'île de Terceira ( Açores ) pour
profiter au maximum des conditions de vent. Dans cette première
partie de traversée, nous avons eu quelques ennuis habituels
de moteurs qui nous ont obligés à marcher sur le deuxième moteur
pendant la réparation. Nous sommes entrés en Mer des Caraîbes
par le passage de l'île de Sombrero ( Iles Vierges ). J'ai ensuite
pris la route sur Cristobal.
Le dimanche 6 novembre
1988, j'ai demandé au chef-cuisinier de préparer un barbecue
pour fêter la fin de traversée transatlantique et l'approche
du Canal de Panama. Il faisait très beau.
Le
Canal de Panama Westbound

Après les formalités
d'arrivée effectuée par le ' boarding officer ' le mercredi
9 novembre 1988 à 09h00, j'étais très heureux car tous les documents
que j'avais préparés et les essais effectués conformément au
CFR 35 me permirent d'obtenir sans réserves l'autorisation de
transit. Nous avons embarqué deux pilotes américains, avons
viré la chaîne à 14h30 ce mercredi 9 novembre et avons embouqué
le chenal d'accès aux écluses de Gatun. Après avoir embarqué
les lamaneurs qui se sont répartis entre la plage avant et la
plage arrière, nous avons franchi les écluses de Gatun ( trois
niveaux de 9 mètres ) de 17h00 à 18h55 avec l'assistance de
six mules ou locomotives ( trois de chaque bord ). Un des trois
timoniers ne convint pas au pilote; il faisait des embardées
dangereuses dans les chenaux du Lac de Gatun, aussi il fallut
appeler un des deux autres timoniers pour prendre sa place.

Nous avons ensuite
chenalé dans la Gaillard Cut ou Culebra qui est le passage le
plus étroit du Canal de Panama. A l'approche de l'écluse de
Pedro Miguel ( 1 niveau de 8 mètres ), nous avons embarqué à
nouveau les lamaneurs et capelé trois locomotives de chaque
bord. Nous avons ensuite franchi les deux sas de l'écluse de
Miraflorès ( 2 niveaux de 9 mètres ). Après avoir débarqué les
lamaneurs et un pilote, nous avons embouqué le chenal de sortie
qui passe devant le port de Balboa. Nous sommes ensuite passés
sous le Pont des Amériques avant de débarquer le deuxième pilote
à 23h16 . Nous avons alors mis en route dans l'Océan Pacifique
à destination de Long Beach ( USA )

Tournée
américaine
Nous sommes passés
au large du Cap Mala et avons contourné l'Etat du Panama. Nous
avons subi de nombreux orages violents qui réduisaient la visibilité.
Comme dans la deuxième partie de la traversée de l'Atlantique,
j'ai fait remplir la piscine dans laquelle j'étais le seul à
me baigner. Les moteurs ont à peu près bien fonctionné puisque
nous n'avons effectué qu'un seul stoppage d'un moteur pour réparation.
Pendant la traversée, j'ai fait effectué des exercices de sécurité
: incendie, barre pour entraîner le personnel birman et être
en conformité avec la réglementation CFR 33 des Coast-Guards
US. J'avais vérifié tous les documents et les affichages réglementaires
sur la passerelle, dans la cabine contrôle et près du poste
de mazoutage, pensant avoir leur visite lors de cette escale
à Long Beach. Le CGM California fut accosté le jeudi 17 novembre
à 05h48. Les Coast-Guards ne se sont pas présentés à bord avant
le départ qui fut fixé ce 17 novembre à 17h30. J'ai reçu la
visite des Autorités Portuaires qui sont venus remettre à bord
un tableau du port de Long Beach en l'honneur de l'escale inaugurale
du navire. Après le débarquement du pilote, nous avons suivi
les routes réglementaires le long de la côte ouest US. Après
avoir embarqué le pilote de San Fransisco, nous avons embouqué
le chenal d'accès à la baie et sommes passés sous le Golden
Gate le vendredi 18 novembre 1988 à 18h18. Après être passés
dans le sud de l'île Alcatraz, nous sommes passés sous l'Oakland
Bay Bridge. Après une attente d'une vingtaine de minutes, nous
avons embouqué la rivière Alameda. Après évitage, nous nous
sommes amarrés le long de l'Oakland Terminal à 20h30 le 18 novembre
1988. A l'arrivée, j'ai reçu dans mon bureau les autorités habituelles
: port, immigration, douane ainsi que notre Agent et le shipplaner
français de la ligne P.E.X, second-capitaine CGM. Le représentant
du port me remit un tableau du port de San Fransisco avec mention
de l'escale inaugurale.
Il était 23h00
le vendredi 18 novembre 1988 lorsque les Coast-Guards se sont
présentés à bord pour l'inspection annuelle de sécurité. Je
les ai installés dans le fumoir des officiers où ils ont demandé
à voir tous les membres de l'équipage munis de leur livret professionnel
maritime ainsi que de leur diplôme pour les officiers. J'ai
présenté tous les documents ainsi que le cahier d'exercice d'incendie
qui était à jour puisque chaque semaine nous faisions une instruction
ou un exercice de sécurité. Un officier a accompagné l'un des
Coast-Guards à la passerelle alors que le chef-mécanicien descendait
en cabine contrôle avec un autre. Ils ont aussi inspecté les
armoires de sécurité et les embarcations de sauvetage. Nous
avons passé plusieurs heures avec eux pendant que nous déchargions
les conteneurs. A leur départ, je reçus le certificat de visite
avec la mention ' No deficiencies ', ce qui me rendit très heureux.
Les opérations commerciales furent terminées le 19 novembre
1988 à 05h15. Il fallut que l'on appareille sans que je puisse
me reposer.
Après être sortis
de la Baie de San Fransisco, nous avons mis le cap sur l 'entrée
du Détroit Juan de Fuca. Des ennuis de condenseur nous ont obligés
à ralentir pour procéder à une installation de fortune afin
d' alimenter en eau le condenseur. Nous subissions une très
forte houle au Cap Flattery, aussi je suis venu sur tribord
dans des conditions très difficiles à l'entrée du détroit. Nous
avons embarqué le pilote américain à 03h13 le samedi 21 novembre
1988 devant Port Angeles. Après avoir navigué à l'allure de
mer dans le Puget Sound, nous avons mis en manœuvre pour prendre
les remorqueurs et embarquer le pilote du port de Seattle. Le
CGM California était amarré au Terminal 42 à 08h.30. A l'arrivée,
j'ai reçu les autorités portuaires pour les formalités d'arrivée.
Sans avoir fermé l'œil de la nuit, je suis allé le midi manger
au restaurant à l'invitation du Directeur de l'Agence. Dans
l'après-midi, j'ai reçu le Directeur du port du Seattle qui
m'a remis un tableau du port de Seattle ainsi qu'une magnifique
barre à roue portant l'inscription de l'escale inaugurale. En
fin d'après-midi, j'ai reçu le pilote canadien qui prendra son
service après franchissement de la frontière.
Il était 06h40
le mardi 22 novembre lorsque le pilote américain passa la suite
au pilote canadien que j'avais fait réveiller avant le passage
devant la Pointe Kilns. Le pilote américain s'installa dans
le deuxième lit de la cabine ' Armateur ' qui jouxtait mes appartements.
Nous avons accosté à Vancouver à 11h18. Le Terminé pour la Machine
correspondait à la fin du voyage Aller.
Depuis
Hambourg, nous avions parcouru 9417 milles à la moyenne de 16,73
nœuds auxquels il fallait ajouter les 45 milles du Canal de
Panama
A Vancouver, je
ne suis pas sorti, profitant de l'escale pour me reposer et
récupérer avant de repartir pour San Fransisco. Pendant l'escale,
j'ai reçu un maître d'hôtel /messman et un ouvrier mécanicien
/ motorman birmans pour remplacer les deux membres d'équipage
qui étaient dépressifs depuis un moment et qui rentraient en
Birmanie.
Après l'embarquement
du pilote canadien, nous avons appareillé le mercredi 23 novembre
1988 à 07h30. Nous avons débarqué celui-ci devant Victoria.
J'ai alors emprunté le Détroit Juan de Fuca en suivant les procédures
réglementaires. Il était 17h23 lorsque nous sommes sortis de
ce détroit. Nous subissions alors une très forte houle qui m'obligea
à ralentir. Le jeudi 24 novembre dans l'après-midi, le vent
fraîchit jusqu'à souffler en tempête force 10. Nous n'avons
subi que quelques avaries mineures du fait que j'avais ralenti
à temps. Nous avons pris du retard que j'avais signalé à notre
Agent de San Fransisco et au San Fransisco Bar Pilot. Le temps
s'est ensuite amélioré dans la nuit du 24 au 25 novembre.
Après avoir embarqué
deux pilotes, nous sommes passés sous le Golden Gate Bridge
le 25 novembre 1988 à 15h38. Nous avons mouillé l'ancre tribord
dans le sud de l'île Yerba Buena. A l'arrivée au mouillage,
nous avons eu un déclenchement de survitesse du moteur principal
tribord lors de la manœuvre de renversement de marche, survitesse
provoquant plusieurs avaries à celui-ci. Ce moteur fut indisponible
pour la manœuvre d'accostage ; aussi, j'ai effectué la manœuvre
d'accostage avec l'assistance de deux remorqueurs. Celle-ci
s'est terminée à 21h54. Comme nous arrivions du Canada, il a
fallu subir à nouveau, devant la Commission d'immigration, la
grande vérification des identités des membres de l'équipage.
Après une escale
rapide de chargement, nous avons appareillé le samedi 26 novembre
à 04h42 avec l'assistance d'un remorqueur et du seul moteur
bâbord. Après 07h00, nous avons essayé de remettre le moteur
tribord en service. Les essais ne furent pas concluants, car
il ne prenait pas de charge. Le chef-mécanicien continua à résoudre
le problème avant l'arrivée. Le dimanche 27 novembre, nous avons
mis en manœuvre à 16h48 pour l'embarquement du pilote de Long
Beach. Nous avons pu effectuer la manœuvre avec les deux moteurs.
Nous étions à 17h54 le long du quai dans le Bassin SE.
Une fois de plus,
le chargement commença dès l'arrivée selon les prévisions données
au second-capitaine birman par le ' focal-point '. Il rentra
les poids des conteneurs dans le loadmaster afin de calculer
la stabilité et les efforts soumis au navire avant le départ.
Je l'ai assisté dans ce travail. A l'accostage à Long Beach,
notre Agent était accompagné du futur chef-mécanicien français
qui embarquait en observateur afin qu'il ait le temps de connaître
la salle des machines, les moteurs Pielstick en particulier,
ainsi que les installations automatisées du CGM California.
Comme d'habitude, en fin de chargement, j'ai fait ma ronde dans
les travées de conteneurs pour vérifier et, si nécessaire, faire
reprendre le saisissage avant le départ. Nous avons quitté Long
Beach, dernier port de chargement, le lundi 28 novembre 1988
à 04h42. Dès que la température de la mer fut suffisante, j'ai
fait remplir la piscine pour profiter des bains de mer. Au cours
de cette traversée, nous avons encore eu quelques ennuis de
machines qui nous avaient obligés à stopper le moteur tribord.
Il fallut déséquilibrer la charge des moteurs pour soulager
le moteur tribord; les températures montaient en raison d'un
vent défavorable qui a soufflé jusqu'à la force 8 ( coup de
vent ). En effet, le mercredi 30 novembre, le chef-mécanicien
a constaté une fuite d'eau douce sur une turbosoufflante du
moteur tribord. J'ai aussitôt signalé cette avarie au Chef du
Service Technique C.G.M. au Havre.
Le lundi 6 décembre
1988 à 18h00, avant de quitter l'Océan Pacifique et l'arrivée
au Canal de Panama, j'ai profité du retour du beau temps pour
organiser sur le pont-piscine un deuxième barbecue pour tout
l'équipage. Le lendemain après-midi, j'ai fait effectuer les
essais réglementaires selon le CFR 35 avant l'arrivée sur rade
de Balboa. J'ai préparé moi-même tous les documents et déclarations
de marchandises à remettre au ' boarding-officer ' à l'arrivée
au mouillage. Nous avions un ennui de turbosoufflante, aussi
c'est avec le seul moteur bâbord que j'ai effectué le mouillage
le mercredi 7 décembre à 10h36 à proximité de l'île Flamenco
de façon à ce que les vedettes aient le moins de route à faire
pour nous rejoindre. Les ouvriers des Chaniers de Balboa sont
descendus dans le compartiment Machines pour effectuer le démontage
de la turbosoufflante avariée. C'est à 10h00 le lendemain jeudi
8 décembre que les ouvriers des chantiers sont revenus à bord
pour préparer le remontage de la nouvelle turbosoufflante. Celle-ci
était arrivée du Havre via Roissy à bord d'un vol Ibéria.
Le
Canal de Panama Eastbound
Le remontage s'effectua
durant toute la nuit. Les réparations terminées, nous avons
effectué des essais statiques au mouillage, puis avons appareillé
le vendredi 9 décembre 1988 à 11h06 pour effectuer des essais
en mer ' En Avant Toute '. Ceux-ci ayant été concluants, nous
sommes revenus au mouillage pour attendre notre tour de transit
et débarquer les ouvriers des Chantiers.
Nous avons embarqué
le premier pilote américain ce vendredi 9 à 19h50. Celui-ci
nous a fait effectuer, de 20h30 à 21h00, différents essais de
machines avant d'embouquer le chenal d'accès au Canal de Panama.
Nous sommes passés sous le Pont des Amériques à 21h25 puis nous
sommes passés devant Balboa où nous avons embarqué le deuxième
pilote US ainsi que les lamaneurs. La présentation devant le
premier sas de Miraflorès s'est effectué à l'aide des deux remorqueurs
qui nous ont été imposés en raison de nos ennuis précédents
Nous avons ensuite pris trois locomotives de chaque bord pour
le franchissement des deux sas. Un seul remorqueur nous fut
imposé pour la présentation au sas de Pedro Miguel. Nous avons
transité dans la Gaillard Cut le samedi 10 décembre de 00h00
à 01h00.

Dans la Culebra,
nous passions devant la plaque commémorative du creusement du
Canal de Panama.Celle-ci est éclairée la nuit.

Le CGM California dans
l'écluse de Miraflorès
Après avoir transité
dans les différents chenaux du Lac de Gatun et avoir embarqué
les lamaneurs devant les écluses de Gatun, le CGM California
est entré dans le premier sas avec l'assistance d'un remorqueur
et l'aide des six locomotives. A la sortie du troisième sas,
nous avons débarqué les lamaneurs et, devant Cristobal, nous
avons débarqué les deux pilotes américains.
Traversée
de l'Océan Atlantique Eastbound
Nous avons franchi
les jetées extérieures de Cristobal à 04h24 le samedi 10 décembre
et avons mis le cap sur Rotterdam, terme de ce deuxième voyage
commercial, de façon à rattraper une partie du retard que nous
avions pris avec notre avarie de turbosoufflante.. J'ai choisi
de faire route sur le Windward Passage qui nous fait passer
entre Cuba et Haïti que nous avons franchi de 18h30 à 23h30
le dimanche 11 décembre 1988. J'ai ensuite fait route sur le
Caïcos Passage ( Bahamas ) pour entrer dans l'Océan Atlantique.
Nous profitions alors du courant chaud du Gulf Stream. A la
sortie du Canal de Panama, j'avais fait nettoyer la piscine
pour pouvoir reprendre les bains de mer. Le mercredi 14 décembre,
nous étions dans la tempête, ce qui me fit ralentir et occasionna
une avarie de soupape d'échappement qu'il fallut changer. Cette
avarie était fréquente sur les moteurs semi-rapides Pielstick.
Nos mécaniciens étaient maintenant bien entraînés à ce changement
de soupape. Pour ne pas rejoindre trop rapidement les dépressions
de l'Atlantique Nord, j'avais opté pour une loxodromie sur le
sud du bateau-feu Channel au nord des Casquets.
Le traversée fut
marquée ponctuée par une avarie de barre qui nous obligea à
gouverner avec la barre de secours pendant la réparation qui
dura une heure. La température de la mer diminua rapidement
de jour en jour. Cela était très bien pour la vitesse du navire,
mais m'obligea à vider la piscine. Le mardi 20 décembre 1988,
à l'arrivée sur le plateau continental, nous avons rencontré
de nombreux bateaux de pêche. Nous avons ensuite fait route
sur le sud du bateau-feu Channel et avons emprunté les routes
recommandées en direction du Pas de Calais. Nous avons embarqué
le pilote de Rotterdam à proximité de la bouée Mass Center le
jeudi 22 décembre 1988. Le CGM California était amarré
à quai à 09h48. Alors que j'avais très peu dormi, j'ai reçu
les autorités portuaires et l'Agent P.E.X. / C.G.M.
Avec l'expérience
de ces quatre premiers mois au commandement du CGM California,
il s'est confirmé que les officiers et marins birmans sont arrivés
à bord avec la mentalité de marins de navires classiques. Le
chef-mécanicien et le personnel Machine ont terminé le voyage
très fatigués. Les nombreuses avaries et le stress du navire
automatisé les ont usés prématurément. L'équipage Pont que j'ai
formé au transport des conteneurs s'est montré compétent lors
des opérations commerciales si l'on acceptait qu'il y ait deux
fois plus de personnel qu'à bord d'un navire 100% français.
L'équipage-pont était très efficace pour le chipping ( piquage
de rouille ) et l'étalement de la peinture. La fragilité psychologique
des officiers et personnel birmans était due en partie à la
mauvaise situation politique de la Birmanie qui était en état
de guerre. Le courrier ne parvenait pas à bord. Durant ce premier
voyage, le seul courrier parvenu a été amené à Vancouver par
le motorman et le messman qui ont remplacé les deux éléments
dépressifs.
Troisième
voyage commercial
Rotterdam
Rotterdam fut notre
escale unique en raison du retard causé par notre avarie de
turbosoufflante. Nous y avons chargé les conteneurs de Bremerhaven,
du Havre et de Félixtowe. Le Responsable Technique CGM était
à l'arrivée sur le quai ; il venait faire le point de tous nos
ennuis avec moi-même et le chef-mécanicien débarquant. Dans
le même temps, il fit la connaissance du nouveau chef-mécanicien
qui avait pris ses fonctions au Terminé pour la Machine . Nos
approvisionnements et pièces de rechange furent convoyés à Rotterdam.
Dans la matinée
du vendredi 23 décembre 1988, notre chef-mécanicien a quitté
le bord pour prendre ses congés. Il était très heureux de quitter
le bord après un embarquement qu'il a trouvé très usant en raison
du manque de compétence de son personnel machine birman. Son
second-mécanicien n'était pas à la hauteur de la tâche. Pendant
l'escale, je continuais à être très vigilant aux calculs de
stabilité à l'aide du loadmaster. Les opérations commerciales
furent terminées le samedi 24 décembre 1988 à 15h30. Dans l'après-midi
qui a précédé le départ, j'ai fait une sieste en prévision de
la nuit à venir. Nous avions chargé 11516 tonnes en conteneurs.
Nous avons quitté
Rotterdam à destination de Cristobal à 19h00 le samedi 24 décembre
1988. Lors du renversement de marche des moteurs Pielstick pour
le débarquement du pilote, à la sortie du chenal Niew Maas Waterweg,
le moteur tribord s'est mis en survitesse. Je fis alors route
sur la zone de mouillage du Nord au cas où il aurait fallu mouiller.
Le nouveau chef-mécanicien a réarmé les sécurités de survitesse
et a redémarré le moteur tribord. Nous avons alors pu faire
route sur le Pas de Calais. Nous naviguions dans la nuit de
Noël, aussi en Mer du Nord et dans le Pas de Calais, nous croisions
des caboteurs qui portaient un sapin éclairé en tête de mât.
Je n'ai pas quitté la passerelle depuis le départ de Rotterdam.
Nous avons ensuite navigué en Manche en direction du Canal de
Panama. Pour raison de franchissement du Pas de Calais en cette
soirée de Noël, j'ai différé au lendemain 25 décembre la célébration
de la Nativité en offrant un pot général au Carré des Officiers.
C'était un honneur pour l'équipage birman d'être reçu dans le
bar-fumoir décoré d'un sapin de Noël éclairé. J'avais acheté
à Rotterdam des petits cadeaux pour les offrir au cours de cette
soirée.
Nous venions d'ouvrir
les premières bouteilles de champagne californien lorsqu'à 18h56,
une alarme machine a stoppé le moteur tribord et mettait au
ralenti le moteur bâbord. Le chef-mécanicien et ses officiers
sont aussitôt descendus dans la salle des machines. Celui-ci
a relancé à plusieurs reprise le moteur tribord qu'il ne réussit
pas à coupler. A 22h43, j'ai pris la décision de marcher à 9,5
nœuds sur le seul moteur bâbord alors que le chef-mécanicien
ouvrait le carter du moteur tribord. Ne trouvant aucune anomalie,
il essaya une nouvelle fois de relancer le moteur et de le coupler.
Nous étions alors dans le nord de l'Ile Vierge. A 02h00 le lundi
26 décembre 1988, j'ai contacté le Chef du Service Technique
CGM au Havre pour lui exposer nos problèmes. Nous étions alors
sur la voie descendante du contournement de l'île d' Ouessant.
Il prit la décision de nous dérouter sur Brest pour réparations.
J'ai alors pris contact avec la station de pilotage de Brest,
et par l'intermédiaire des sémaphoristes de la Pointe Saint
Matthieu avec la Préfecture Maritime pour obtenir l'autorisation
d'entrer à Brest : cette autorisation n'était pas évidente en
raison de notre pavillon qui était celui de la Socialist Republic
of Burma. Via Radio-Le Conquet, j'ai contacté notre Agent à
Brest. Il était 03h00, lorsque je reçus l'autorisation d'entrer
en rade. J'ai embarqué le pilote à 06h58 ce lundi 26 décembre
1988. Après avoir chenalé dans le Goulet, nous avons mouillé
dans la zone qui nous a été désignée par Marine Brest, cette
zone étant suffisamment éloignée de la base sous-marine de l'Ile
Longue.
Séjour
à Brest
L'Agent
ainsi que les Ingénieurs et Techniciens des Chantiers Sobrena
montèrent à bord à 09h25. Ayant eu toute la journée quelqu'un
dans mon bureau, je n'ai pas eu le loisir de me reposer après
cette nouvelle nuit blanche. Le navire étant très chargé, il
fallu attendre la pleine mer de ce 26 décembre à 19h00 pour
pouvoir accoster le navire avec l'assistance de deux remorqueurs
devant les Chantiers Sobrena. Au cours de la journée au mouillage,
l'Ingénieur Sobrena découvrit la gravité des avaries. L'arbre-manivelle
tribord était endommagé au niveau de la bielle du maneton n°
5. Des spécialistes hollandais furent appelés et arrivèrent
à Brest le lendemain avec leur matériel spécialisé pour le '
scraping ' de l'embiellage endommagé.
Le mardi 27 décembre
1988, j'ai reçu la visite de l'Inspecteur de la Navigation en
poste à Brest. Comme le CGM California portait le pavillon
birman, il monta à bord avec la certitude de pouvoir sanctionner
un navire hors-normes et en mauvais état. Evidemment, ce n'était
pas le cas puisque j'avais veillé à ce que tout soir à jour
pour les visites passées et futures des Coast-Guards US et canadiens.
A San Fransisco, j'avais eu les félicitations des Coast-Guards
américains. Entrant dans mon bureau sous la conduite d'un timonier
birman, il se mit à me parler en anglais pour se présenter.
Je lui fis remarquer que dans mon bureau, il était en France
en lui montrant un portrait de François Mitterand, portrait
qui venait de glisser sur la moquette en raison du fort roulis
subi dans l'ouest de Ouessant. Je lui ai mis en main le certificat
de visite remis lors de la dernière escale à Rotterdam. Il ne
trouva rien à critiquer, ni aucunes déficiences à noter, aussi
il me délivra le certificat d'inspection.
Suite à cet incident
du moteur tribord, je pris la décision de débarquer l'officier-radio
et le second-mécanicien birmans. Tous les deux avaient une responsabilité
dans cette avarie. Le premier n'avait pas écouté St Lys-Radio
après le départ de Rotterdam alors qu'un message attirait notre
attention sur les mauvais résultats des dernières analyses d'huile
des moteurs principaux. Le second-mécanicien quant à lui ne
maîtrisait pas les séparateurs à huile. Pour les remplacer,
j'ai reçu deux officiers indiens dans les jours qui ont suivi.
Après quatre mois
d'absence, cette escale était la bienvenue pour moi. Mon épouse
et mes fils ont pu venir à plusieurs reprises à Brest. J'avais
installé ceux-ci dans les deux lits de la cabine ' Armateur
' qui était contiguë à mes appartements. En effet, à mon installation
à bord en septembre, j'avais ouvert les portes coulissantes
qui donnaient accès au salon et à la cabine de l'Armateur. Cela
agrandissait largement mon espace de vie. J'avais prélevé des
copies des peintures de Gauguin dans les escaliers inutilisés
afin d' améliorer la décoration.
L' Inspecteur Technique
CGM à Paris, qui était déjà venu s'occuper de nous à
Rotterdam, a interrompu ses congés de Noël à la demande du Directeur
Technique pour prendre la route de Brest. Il embarqua dès l'accostage
du navire. J'étais rassuré de l'avoir auprès de moi. Je le connaissais
très bien, car nous avions navigué ensemble à plusieurs reprises.
Il comprit qu'il fallait renforcer l'équipe Machine pour la
bonne maintenance du navire. A sa demande, j'ai reçu à Brest
deux français supplémentaires: un officier-mécanicien de 3ème
classe qui ferait office de deuxième second-mécanicien pour
doubler le second-mécanicien indien et un électricien pour le
bon entretien du navire automatisé. Les deux techniciens hollandais
travaillaient le plus souvent la nuit; ils travaillaient avec
très grande précision pour reprendre l'embiellage endommagé.
A la suite de la prise des cotes de cet embiellage, il fallut
commander en urgence de nouveaux coussinets pour compenser la
matière enlevée par les spécialistes. Au début de notre escale
technique à Brest, il a fallu débarquer deux conteneurs dans
lesquels il y avait le matériel destiné à une exposition qui
devait se dérouler à Los Angeles. Ceci a augmenté le coût de
notre avarie, car ce matériel a ensuite été acheminé par avion.
Le 1er de l'An
se passa à Brest. J'ai réuni le 31 décembre à 18h00, au bar
des officiers, tout l'équipage franco-birmano-indien. Ma famille
et celle du chef-mécanicien étaient présentes en cette soirée
du Nouvel An.
Les travaux et
les essais au point fixe furent terminés le samedi 7 janvier
1989 à 07h30. C'était l'heure de la pleine mer, aussi nous avons
embarqué le pilote. J'ai mis en appareillage sur le seul moteur
bâbord avec l'aide de deux remorqueurs pour effectuer les essais
en mer. J'étais heureux et rassuré lorsque j'ai appris que notre
Inspecteur Mécanicien appareillait avec nous à destination du
Canal de Panama. Avant de larguer les deux remorqueurs, le moteur
tribord a été lancé, puis couplé. Nous avons alors pris la direction
du Goulet de Brest avec les techniciens des Chantiers Sobrena
et de l'expert du Bureau Véritas qui avait suivi les travaux.
En Mer d'Iroise, j'ai stoppé le moteur tribord pour vérifications.
Nous avons ensuite embouqué le Goulet pour débarquer les techniciens
en rade de Brest. J'ai ensuite refranchi le Goulet vers la sortie.
J'ai alors débarqué le pilote et j'ai mis ' en route libre '
à midi à destination du Canal de Panama.
Traversée
de l'Océan Atlantique Westbound
Au
cours de cette première journée en mer, nous avons dû changer
quelques soupapes d'échappement. Les ouvriers birmans étaient
maintenant rôdés à la manipulation des ces soupapes ; cependant,
ils étaient plus lents que les mécaniciens français. Compte
tenu du mauvais temps dans le nord de l'Océan Atlantique, j'avais
pris la décision de faire route sur le sud de l'île de San Miguel
( Açores ) . Tous les soirs, lorsqu'il n'y avait pas d'imprévus,
je réunissais les cinq français pour prendre un apéritif dans
mon bureau. Le ' Chief Cook ' s'occupait de la préparation des
repas des cinq français ; il nous faisait une cuisine moins
épicée et plus européanisée que celle des birmans qui était
préparée par l'Assistant Cook : plat de riz, viandes émincées,
queue de bœuf, etc…. Le tout était très épicé.
Après les
repas du soir, je jouais à la belote au fumoir des officiers
où je faisais le quatrième. Le chef-mécanicien ne se joignait
pas à nous; peut-être voyait-il suffisamment notre Inspecteur-Mécanicien
dans la journée. D'autre part, je le trouvais dépressif depuis
l'avarie du moteur tribord.
Nous sommes
passés à 19h35 le mardi 10 janvier 1989 dans le sud de la Pointe
do Arnel ( Sao Miguel - Açores du Centre ). En passant, nous
avons vu les lumières de la ville de Punta Delgada. J'ai alors
choisi de suivre une orthodromie sur le Passage Mona qui se
trouve dans l'ouest de l'île de Porto Rico.
Pendant
ses journées à la mer, l'Inspecteur Mécanicien passait toutes
ses journées en cabine contrôle. Il décryptait des mètres et
des mètres de bandes d'alarmes et de journaux Machine. Il essayait
de savoir depuis combien de temps il y avait des anomalies de
séparateurs à huile. Il trouva ce qu'il cherchait et eut l'explication
de l'excès d'eau dans l'huile des moteurs principaux.
Nous avons
continué à avoir des avaries de soupapes d'échappement. D'autre
part toute la journée du 13 janvier, nous avons eu des ennuis.
Le moteur tribord a stoppé sur alarme Graviner. Notre Inspecteur
fit ouvrir les portes du carter pour vérifier les embiellages
de ce moteur. Après remise en route sur les deux moteurs, il
fallut stopper le moteur bâbord. Dans l'après-midi, il détecta
une présence d'eau dans l'huile de ce moteur. Toute la nuit,
les mécaniciens ont continué les investigations pour connaître
l'origine de cette présence d'eau. Le chef-mécanicien était
de plus en plus dépressif et débordé par l'évènement, aussi
je me félicitais de la présence de notre Inspecteur et du second-mécanicien
français, car l'indien n'était pas à la hauteur de l'évènement.
Le samedi 14 janvier 1989, après un court repos, les français
ont rejoint les mécaniciens birmans. Le retour à la situation
normale fut obtenu le dimanche 15 janvier . C'était réjouissant
d'avoir enfin retrouvé une vitesse normale. Je pus envoyer à
nouveau mes prévisions d'arrivée sur rade de Cristobal.
Profitant
de la bonne température de la mer, je fis nettoyer la piscine
et je pus alors profiter de moments de détente sur le pont.
Nous avons transité le mercredi 18 janvier dans le Passage Mona
et nous naviguions ensuite dans la Mer des Caraïbes.
J'ai profité
d'une amélioration de nos ennuis pour organiser un pot général
suivi d'un barbecue afin de remercier mon camarade Inspecteur
Mécanicien ainsi que tout l'équipage français, birman et indien.
J'avais préparé moi-même un punch planteur modéré selon mon
habitude de façon à ne pas trop alcooliser le personnel.
Après avoir
contact avec Cristobal Signal Station et franchi les jetées
extérieures, je me suis présenté au mouillage ' Zone Explosives
'de la rade. Un incident du moteur tribord m'a donné des frayeurs;
il me fallut recommencer la manœuvre de présentation au mouillage
pour éviter un navire, car je n'avais pas pu étaler le CGM California.
La manœuvre de mouillage fut terminée le samedi 21 janvier à
01h48. Je reçus l'Agent et le ' boarding officer ' qui me remit
l'autorisation de passage à 02h30. Notre Agent CGM quitta
le bord en compagnie de mon ami inspecteur-mécanicien qui devait
rejoindre la Direction CGM à Paris. En effet, il devait se rendre
à La Réunion à la suite d'un incendie à bord du Marion Dufresne.
Je l'ai vu s'éloigner avec regret et appréhension. Je pensais
que j'avais eu beaucoup de chance de l'avoir à bord au cours
de cette difficile traversée de l'Océan Atlantique.

Rade de Cristobal
Transit
dans le Canal de Panama
:
Il était 15h52 le samedi 21 janvier 1989 lorsque les deux pilotes
américains montèrent à bord. Nous avons embouqué le chenal d'accès
aux écluses de Gatun que nous avons franchies avec l'aide de
six locomotives. Après chenalage dans le Lac de Gatun, nous
avons transité dans la Gaillard Cut avant d'embarquer une nouvelle
équipe de lamaneurs.

Ecluses de Gatun
Un
remorqueur nous a assistés pour la présentation dans l'écluse
de Pedro Miguel comme c'est le cas à chaque fois pour la présentation
à l'entrée des écluses.

Gaillard Cut, écluses
de Pedro Miguel et de Miraflorès
Après
le transit dans les deux sas de l'écluse Miraflorès, nous avons
débarqué les lamaneurs et l'un des deux pilotes devant Balboa.
Nous avons débarqué le deuxième pilote après le passage sous
le Pont des Amériques. Il était 23h54 lorsque j'ai mis ' En
route libre '. Une fois encore, j'avais eu une journée bien
remplie.

Balboa
Tournée
américaine
C'est avec une
certaine appréhension que je faisais route dans l'Océan Pacifique
à destination de Long Beach avec le chef-mécanicien qui était
de plus en plus dépressif. Il devait ruminer constamment toutes
les avaries de moteurs qui s'étaient succédées depuis sa prise
de fonction.
Pour me détendre,
j'ai fait remplir la piscine; le bain était pour moi un bon
moyen de relaxation. A nouveau, nous avons eu quelques ennuis
sur les moteurs ; j'appréciais d'avoir auprès de mois le renfort
des deux français reçus à Brest. Le second-mécanicien français
avait une bonne expérience des moteurs Pielstick. C'est ainsi
que nous sommes arrivés en vue de Long Beach. Compte tenu du
manque de fiabilité du navire, j'ai fait la manœuvre d'accostage
avec l'assistance de deux remorqueurs. Nous étions à quai le
lundi 30 janvier1989 à 05h00.
Dans la matinée,
j'ai reçu les autorités: Port, Douane, Agriculture ainsi que
l'Agent CGM. J'ai aussi reçu le shipchandler pour commander
des fruits et légumes de façon à repartir en mer avec des vivres
frais à bord. Je suis ensuite allé chez le chirurgien-dentiste
qui m'a opéré d'un abcès sous une dent. A part cette visite,
je ne suis pas sorti à terre, profitant de l'escale pour récupérer
des fatigues accumulées et de l'intervention chirurgicale en
prévision de la nuit suivante.
Nous avons appareillé
le mardi 31 janvier à 03h00 à destination de San Fransisco.
Au cours de notre transit, les ennuis mécaniques ont recommencé
sur le moteur tribord. Nous avons fait route sur le moteur bâbord
tout l'après-midi. Nous avons embarqué le San Fransisco Bar
Pilot le mercredi 1er février à 05h30. Après être passé sous
le Golden Gate et l' Oakland Bay Bridge, nous avons embouqué
la rivière Alameda à 07h45 et avons effectué l'évitage à l'aide
du propulseur et d'un remorqueur.. Nous étions accostés le long
de l'Oakland Terminal à 08h48. En même temps que les autorités
habituelles, j'ai reçu l'Agent ainsi que le second-capitaine
qui était notre shipplaner à San Fransisco. Il partagea le repas
de midi avec les quatre français. Le chief-cook nous avait préparé
un rôti de bœuf qui, avant de passer au four, fut piqué de carottes
et cuit à l'eau selon la méthode anglaise. Il fut décidé par
la Direction Commerciale P.E.X à Paris que tous les conteneurs
de Seattle et Vancouver seraient déchargé à la deuxième escale
de Long Beach afin de recaler le CGM California après le retard
pris par les ennuis de moteurs : déroutement à Brest et différents
ralentissements en mer par la suite.
Chaque fois qu'il
y avait une fête birmane, full moon en particulier, le chef
cuisinier préparait pour tout l'équipage le poulet rôti, accompagné
du traditionnel riz coco.
Au cours de l'escale
d' Oakland, nous avons embarqué l' ex-chef mécanicien du CGM
Columbia ex-Renoir qui était en congés.. A la suite du rapport
rédigé par l'Inspecteur-Mécanicien qui avait traversé l'Océan
Atlantique avec nous, ce nouveau chef avait pour mission de
ramener le CGM California dans les meilleures conditions
possibles en Europe. Notre chef-mécanicien, étant malade et
débordé par tous les ennuis mécaniques avait négligé les rapports
techniques qui devaient être remis à la Direction Technique
de la Compagnie Générale Maritime à la fin du voyage. Le nouvel
embarqué a donc pris la fonction officielle de chef-mécanicien
du navire ; l'autre chef était alors un adjoint administratif
dont le seul travail consistait à la mise à jour de son rapport
de voyage avant d'être débarqué à l'arrivée au mouillage de
Balboa. Nous avons aussi reçu dans ce port un jeu de coussinets
pour la bielle endommagée du moteur tribord. Ils étaient plus
conformes que ceux qui avaient été mis en place dans l'urgence
à Brest. Ils resteront en attente en raison des impératifs commerciaux.
Nous avons appareillé d'Oakland le jeudi 2 février à 19h00 après
avoir embarqué les conteneurs venus de Seattle et Vancouver.
Nous sommes passés sous l'Oakland Bay Bridge, dans le nord de
l'île Alcatraz puis sous le Golden Gate Bridge avant de débarquer
notre pilote à la sortie du chenal.
Après une navigation
sans problèmes et à bonne vitesse, nous sommes arrivés le vendredi
3 février 1989 à 20h48 à Long Beach. Les formalités d'arrivée
furent rapides, car nous n'avions pas touché le Canada. Notre
Agent m'obtint un rendez-vous à 23h00 chez mon chirurgien-dentiste
pour l'ablation des fils. Ce dentiste était un homme très affable
et très compétent. C'était un vétéran du Vietnam qui avait une
personnalité très spéciale et très intéressante. Pendant l'escale,
nous avons remplacé à ma demande un officier-mécanicien birman
qui souffrait de dépression. Il fut remplacé par un autre officier
birman qui apporta le courrier de l'équipage qui attendait à
Rangoon dans les bureaux de Wallem Shipmanagement. C'était le
premier officier-mécanicien que je remplaçais, le deuxième en
comptant le second mécanicien relevé à Brest par un indien.
A ce propos, j'étais très content de l'officier-radio indien
que j'avais embarqué à Brest. Il était très compétent et très
sympathique, contrairement au premier. Le chargement fut terminé
à 15h50 le samedi 4 février 1989. J'ai mis en appareillage à
16h48 après dispositions de grande traversée et vérification
du saisissage des conteneurs de la pontée. Dans le Golfe de
Tehuantepec, nous avions une température de 29°C, ce qui me
permit de prendre des bains dans la piscine. Nous sommes arrivés
sur rade de Balboa sans grand retard. Nous n'avons stoppé un
moteur que pour changement de deux soupapes d'échappement et
de deux injecteurs. J'ai mouillé à proximité de l'île Flamenco
le dimanche 12 février à 12h12. J'avais remarqué que, lorsque
la rade de Balboa était très encombrée, il y avait toujours
de la place à 1 mille de l'île Flamenco. J'obtins l'autorisation
de transit dans le Canal de Panama à 13h00. Notre Agent à Panama
City est reparti à terre en compagnie de notre chef mécanicien
qui était complètement dépité en raison de son échec à bord.
J'étais navré pour lui, mais c'était la meilleure marche possible
de l'expédition maritime qui l'emportait. Depuis que l'ancien
chef-mécanicien du CGM Columbia avait pris le CGM
California en main, nous avions beaucoup moins d'ennuis.
Transit
dans le Canal de Panama
Après
avoir embarqué notre premier pilote américain, j'ai mis en appareillage
le dimanche 12 février à 17h48. Devant Balboa, nous avons embarqué
les lamaneurs et le deuxième pilote. Après transit dans les
deux sas de l'écluse Miraflorès, dans celui de l'écluse Pedro
Miguel, nous avons transité dans la Culebra et dans les chenaux
du Lac de Gatun. Après avoir transité dans les trois sas de
l'écluse de Gatun, nous avons débarqué les deux pilotes devant
le port de Cristobal.
Traversée
de Cristobal à Rotterdam
Nous avons franchi
les jetées extérieures le lundi 13 février 1989 à 02h15. Comme
le voyage précédent, j'ai pris la route en direction des Windward
Passage et du Caicos Passage ( Bahamas ) de façon à sortir le
plus vite possible du régime des alizés et prendre les courants
favorables du Gulf Stream . Nous sommes passés à 19h05 le mercredi
15 février 1989 dans le de l'île Nord Caïques ; j'ai alors pris
la route orthodromique sur le sud du bateau-feu Channel.
Nous avons subi
notre premier coup de vent le dimanche 19 février. Ce coup de
vent a ralenti le CGM California jusqu'au mardi 21 février matin.
Par la suite, un vent de l'arrière nous donna la bonne vitesse
de 17,3 nœuds. Nous avons passé la ligne de sondes des 200 mètres
à 02h03 le samedi 25 février 1989.

Nous avons observé
une baisse continuelle de la pression barométrique durant la
nuit. Elle était de 951 hpa à 10h45 et de 948 hpa à 17h15.Nous
sommes passés à 22h30 dans le sud du bateau-feu Channel.
Nous étions dans une profonde dépression qui nous donnait des
vent d'WNW force 10 avec des rafales soufflant en tempête force
11. Le gyropilote ne tenant plus le cap, il fallut gouverner
en barre manuelle dans le nord du Cotentin. Dans la deuxième
partie de nuit, la pression barométrique était en hausse rapide
et continuelle. Nous avons observé une amélioration progressive
du temps au cours de la journée du dimanche 26 février 1989.
Après franchissement
du Pas de Calais, nous avons fait route sur la rade de Rotterdam
où nous avons mouillé sept maillons dans le nord de Goeree.
Malgré des vents de force 6 avec des rafales force 8, la tenue
au mouillage fut bonne.
Le pilotage de
Rotterdam était suspendu en raison du mauvais temps. A 03h00,
le lundi 27 février 1989, j'ai reçu l'autorisation d'entrer
sans pilote jusqu'à Hoek Van Holland si je le désirais et si
je m'en sentais capable. Ayant accepté la proposition de Maas
Pilot, j'ai mis au poste de manœuvre à 03h06 et j'ai ensuite
fait route sur les deux moteurs à 03h42. J'ai alors pris la
direction des jetées extérieures sous le guidage de Maas Entrance
Control. Le CGM California a franchi les jetées extérieures,
puis nous avons embarqué le pilote de rivière à 04h44 en passant
devant la station de pilotage de Hoek Van Holland. Le radioguidage-
fut très efficace. J'étais très heureux et détendu lorsque le
navire fut accosté dans le Margriethaven à 06h36. Une nouvelle
fois, je n'avais pas dormi de la nuit. Après les formalités
d'arrivée, je suis allé me reposer sachant qu'une nouvelle nuit
blanche m'attendait.
Tournée
européenne
Comme convenu à
San Fransisco avec le Capitaine d'Armement Marima / D'Orbigny,
il était prévu que le chef-mécanicien du CGM Columbia
débarquerait au cours de la tournée européenne. Lors de cette
escale, nous avons embarqué en observateur un nouveau chef-
mécanicien qui avait navigué comme chef à la Nouvelle
Compagnie Havraise Péninsulaire.
Le déchargement
fut terminé à 19h00 et nous avons appareillé à 22h00 après embarquement
des deux pilotes ( port et rivière ) et attente de nos remorqueurs.
Après débarquement du pilote hollandais, nous avons mis le cap
sur Bremerhaven. Pendant le quart du troisième officier dans
les chenaux de séparation de trafic, je doublais le quart car
je ne pouvais toujours pas lui faire confiance. Il ne s'améliorait
pas beaucoup au fil des mois d'embarquement. Nous avons embarqué
le pilote allemand le mardi 28 février à 12h48. Après évitage
en nous étions accostés en rivière au Container Terminal Kaiser
Wilhem à 15h24. Un second-capitaine indien attendait sur le
quai en compagnie de notre Agent. Il venait prendre la place
du second-capitaine birman qui, à son tour, était tombé en dépression
nerveuse.
Bremerhaven
Le
navire fut complètement déchargé à 05h30 le mercredi 1er mars
1989. J'ai alors mis en manœuvre pour franchir l'écluse en marche
arrière et nous accoster au Quai des Chantiers WMB / Kaiserhafen
I. Au départ du Container Terminal, le navire fut retiré momentanément
du service commercial P.E.X.. C'est au cours de cette escale
que j'ai débarqué le second-capitaine et un officier-mécanicien
birmans en raison de leur déprime qui traînait depuis un certain
temps. Ils quittèrent le bord le jeudi 2 mars en emportant en
Birmanie le courrier de leurs collègues. Pendant cette escale
technique, j'ai passé une partie de mes journées à former le
second-capitaine indien sur le loadmaster que j'avais beaucoup
utilisé lorsque j'étais moi-même second-capitaine.
Nous devions mettre
en place les coussinets reçus à San Fransisco. Ceux qui avaient
été mis en place à Brest n'étaient pas conformes; il est possible
qu'une partie des ennuis du voyage venait de là. Le chef de
travaux CGM en charge du navire vint suivre cet
arrêt technique. Le nouveau chef-mécanicien ( ex NCHP
) eut le temps de se mettre au courant du navire aux côtés du
chef-mécanicien qui nous a quittés avant la fin des travaux.
J'ai tout de suite apprécié la compétence de ce nouveau chef;
je savais qu'à ses côtés, je pourrai faire en toute confiance
le troisième voyage transatlantique.
Au cours de ce
séjour à Bremerhaven, je me suis d'abord reposé de toute les
fatigues accumulées pendant ces premiers mois de navigation
difficile en raison de toutes les avaries subies, de la déception
de tout ce retard pris au cours de plusieurs traversées et des
très nombreuses nuits blanches que j'ai passées à la passerelle
ou dans le compartiment Machine pour soutenir mes collègues
mécaniciens. Le dimanche après-midi 5 mars 1989, je me suis
accordé une sortie au Zoo et au Musée de la Marine de Bremerhaven
en compagnie de mes collègues français. Nous prîmes une bière
à bord du trois-mâts Seuter Deern du musée maritime avant
de rentrer à bord.
Les essais du moteur
tribord ayant été effectué avec succès, l'arrêt technique fut
considéré comme terminé le mardi 7 mars soir. Nous avons embarqué
deux pilotes de port le mardi 7 à 23h20. Nous sommes sortis
de la darse avec l'assistance de deux remorqueurs, avons passé
le pertuis et avons transité dans l'écluse en marche avant.
Nous étions amarrés au Container Terminal Kaiser Wilhem le mercredi
8 mars à 01h36. Le chargement commença à 06h00. C'est cette
heure qui fut prise en compte pour la remise en service commercial
du CGM California alias Gauguin.
Quatrième
voyage commercial
Tournée
européenne
Je repartais pour
un troisième voyage transatlantique avec un état-major bien
remanié après le débarquement de tous les éléments fragiles
psychologiquement. J'avais confiance dans mon second-capitaine
indien. Je repartais avec mon deuxième officier / 1er lieutenant
birman qui était très compétent, consciencieux et dans lequel
je pouvais avoir entière confiance tant à la mer que dans la
bonne tenue des documents nautiques. Malheureusement, il n'en
était toujours pas de même avec le 3ème officier avec lequel
je repartais en voyage; au cours de ce voyage encore, je devrais
doubler son quart dans les passages fréquentés. J'avais demandé
à être remplacé pour ce quatrième voyage commercial. La Direction
Commerciale Pacific Europe Express me demanda
de bien vouloir effectuer le nouveau périple, le CGM California
devant être vendu au retour de voyage. J'ai accepté, mais je
n'ai tiré aucun profit de ce dévouement. Cependant, j'effectuais
ce nouveau voyage avec une bonne connaissance de la ligne.
Pendant l'escale
de Bremerhaven, nous avons changé plusieurs pistons sur les
deux moteurs. Il fallut donc faire un rodage après le débarquement
du pilote. Nous étions ' en route libre ' le mercredi 8 mars
1989 à 22h12. Etant descendu dans mon bureau pendant le quart
du third officer pour préparer les documents d'arrivée, j'aperçus
droit devant deux plateformes de forage. Mon l'officier de quart
avait viré vers le sud une bouée trop tôt. Je suis aussitôt
monté à la passerelle pour rectifier la situation. Ce rodage
après réparations nous a occasionné un retard de trois heures.
Après embarquement du pilote hollandais, nous avons franchi
les jetées extérieure du Niew Maas Waterweg le 9 mars à 15h02
et nous étions à quai dans le Margriethaven à 17h06. Nous avons
chargé à Rotterdam les conteneurs de Félixtowe qui étaient arrivés
par caboteur de façon à ne pas accumuler trop de retard au départ
de ce voyage. Nous avons appareillé le vendredi 10 mars 1989
à 04h24 avec la présence à bord du spécialiste Pielstick comme
ce fut le cas entre Bremerhaven et Rotterdam. J'ai mis en route
libre à 06h48 et j' ai réglé les moteurs à l'allure de rodage.
Dans la journée, le spécialiste effectua divers contrôles après
stoppage du moteur tribord. Après changement de deux soupapes
d'échappement, je pus remettre les deux moteurs en service à
18h40. Entre temps, nous avions franchi le Pas de Calais. Comme
il va de soi , j'étais sur la passerelle depuis le départ de
Rotterdam en raison du quart de mon 3ème officier et de celui
du nouveau second-capitaine. Le CGM California est arrivé
sur rade du Havre le samedi 11 mars 1989 à 01h00. Il nous a
fallu attendre jusqu'à 04h30 pour obtenir un pilote. Après avoir
sassé dans l'écluse François 1er, nous nous sommes amarrés au
poste N° 1 du Quai de l'Europe. A l'arrivée au Havre, j'ai reçu
les différentes autorités maritimes dans mon bureau. J'ai ensuite
eu la visite du Directeur d'Armement d'Orbigny
et de son Capitaine d'Armement. Ils venaient m'interroger sur
tous les ennuis que nous avions rencontrés les mois précédents
J'en ai profité pour leur faire remarquer que mon bulletin de
salaire était bien léger par rapport au nombre d'heures supplémentaires
que je faisais en naviguant avec un personnel incompétent. Ils
me regardèrent avec des yeux sévères, mais c'était la stricte
vérité. Il n'y eut pas de modification de salaire par la suite.
La manutention avait commencé à 08h00. Le bon entraînement de
mon équipage birman aux manœuvres de panneaux et de grues permit
d'effectuer ces manœuvres avec rapidité et efficacité. Dans
l'après-midi, je me suis retiré dans ma chambre pour un repos
réparateur. Le chargement et le saisissage furent terminés à
18h25. Il fallu attendre jusqu'à 20h00 pour accéder à l'écluse
François 1er. Cela me permit de faire une ronde sur le pont
pour vérifier le saisissage des conteneurs avant l'appareillage.
C'est mon meilleur
camarade, pilote du Havre, qui a tenu à sortir le CGM California
lorsqu'il apprit que j'étais toujours à bord. Nous avons quitté
le quai à 20h00 et avons débarqué le pilote sur rade à 22h24.
Nous partions avec un remplissage à 91 % et un fort ballastage
pour assurer une bonne stabilité avant d'affronter la traversée
de l'Océan Atlantique. J'avais aidé le second-capitaine indien
à entrer les conteneurs dans le loadmaster avant d'effectuer
ce ballastage.
J'ai doublé le
quart du premier officier jusqu'à minuit et suis allé me reposer
jusqu'à 04h00 le dimanche 12 mars 1989 lorsque le 2ème officier
a pris la relève. En Manche, il était indispensable de doubler
le quart du 3ème officier birman. Le navire marchait bien et
je pus me reposer. En fin d'après-midi, le vent fraîchit et
je dus réduire l'allure. J'ai pris une route loxodromique du
l'île de Terceira ( Açores du Centre ).
Après le passage
dans le sud de la Pointe Contendas ( Açores ) le mercredi 15
mars 1989, j'ai pris une loxodromie sur le Passage Mona ( Porto
Rico ). Hormis les quelques stoppages pour changement de soupapes
d'échappement, le navire n'avait jamais aussi bien marché depuis
que j'en avais pris le commandement. Nous avons pu atteindre
des vitesses de 18,0 / 18,2 nœuds, vitesse habituelle à bord
du CGM Columbia, mais inconnue jusqu'à maintenant à bord du
CGM California. Lorsque la température de la mer fut
suffisante, nous avons aperçu les nombreux poissons volants
qui s'éloignaient dans la vague d'étrave. Le nouveau chef mécanicien
avait le loisir de venir se détendre avec moi dans notre piscine.
Après 18h00, nous pouvions faire une partie de shuffleboard
( palets ) sur le pont-piscine où était peint ce jeu classique
des navires C.G.M.
Nous avons franchi
le Passage Mona le mardi 21 mars à 00h00 ; nous entrions alors
dans la Mer des Antilles. La température de la mer était alors
de 26°C. Pour fêter cette entrée en Mer des Caraïbes, j'ai organisé
le pot général suivi du barbecue préparé par nos deux cuisiniers.
Je ménageais la consommation d'alcool pour éviter les querelles
que j'avais connues lors de la première fête. Il y avait alors
des incompatibilités entre birmans de Rangoon et les autres
habitants résidant plus au nord de la Birmanie à proximité de
la frontière chinoise. Les débarquements successifs de quelques
éléments avaient assainis l'ambiance à bord. D'autre part, la
meilleure marche du navire détendait l'atmosphère.
Nous sommes arrivés
au mouillage de Cristobal le jeudi 23 mars à 00h24. J'ai alors
reçu le boarding-officer qui a inspecté nos documents : certificats
et déclarations des marchandises à bord. C'était moi qui préparais
tous les papiers de transit et d'entrée dans les différents
ports de la ligne. Il était 00h30 lorsque j'obtins l'autorisation
de transit dans le Canal de Panama. Notre Agent à Cristobal
nous a remis le courrier reçu et est reparti avec les lettres
à expédier aux familles.
Transit
dans le Canal de Panama
Nous
avons embarqué nos deux pilotes américains le jeudi 23 mars
à 03h40 et avons viré la chaîne pour embouquer l'accès de l'écluse
de Gatun. Après avoir franchi les trois sas , nous avons débarqué
les lamaneurs et sommes allés au mouillage dans le Lac de Gatun
car de gros navires transitaient dans l'autre sens dans la Gaillard
Cut ou Culebra. Nous avons remis en route à 07h53 et chenalé
dans le Lac de Gatun.

A la passerelle, le Commandant
LE ROUX, le second Capitaine indien, le timonier birman et le
Pilote américain
Après transit dans la Culebra,
nous avons embarqué une nouvelle équipe de lamaneurs pour franchir
le sas de l'écluse Pedro Miguel et les deux sas de l'écluse
Miraflorès. Devant Balboa, j'ai débarqué les lamaneurs et le
deuxième pilote alors de l' autre pilote restait à bord jusqu'à
l'extrémité du chenal de sortie. Nous avons effectué le transit
en 10h00 au lieu des 08h00 des voyages précédents.
Tournée
américaine
J'ai mis ' en
route libre ' à 15h30 le jeudi 23 mars 1989. Nous avions une
température de la mer de 28°C. Si cette température était un
handicap pour la marche maximum des moteurs Pielstick, elle
était un bienfait pour pouvoir se détendre dans la piscine qu'il
fallut nettoyer pour chasser les escarbilles de la manœuvre
dans le Canal de Panama.
La veille de l'arrivée
à Long Beach, j'ai fait effectuer les essais réglementaires
conformément au CFR 33. Nous étions à quai le jeudi 30 mars
à 20h48. J'étais heureux d'avoir pu mettre le navire à disposition
de l'opérateur commercial pour la nuit.. Grâce à l'efficacité
de notre ' focal point ' et l'excellent rendement des opérateurs
de l'entreprise de manutention, nous avons pu être prêt à appareiller
le vendredi 31 mars à 06h00.
Nous avons appareillé
pour Oakland ( San Fransisco ) à 06h30. Au cours de la traversée,
nous avons ralenti pour faire des essais de renversement de
marche des moteurs afin de se sécuriser pour les manœuvres à
venir. Nous avons embarqué le San Fransisco Bar Pilot samedi
1er avril à 04h58. Nous avons alors fait route vers la Baie
de San Fransisco : Golden Gate Bridge, Ile Alcatraz, Oakland
Bay Bridge. Nous avons ensuite embouqué la rivière Alameda et
avons accosté après l'évitage dans la rivière. Nous étions à
quai à 07h00 au Pier 67 de l'Oakland Terminal.

Le pénitencier
de l'île d'Alcatraz
J'ai passé la matinée
à recevoir les autorités, le shipchandler ainsi que mon camarade
second-capitaine CGM qui était notre shipplaner à San Fransisco.
Il a partagé le repas de midi avec nous. La manutention fut
exécutée dans de bonnes conditions. Grâce à la bonne coopération
de tous, nous avons pu appareiller en horaire. Nous avons appareillé
à 14h30 le samedi 1er avril à 14h30.
Après être sorti
de la Baie de San Fransisco, nous avons fait route sur l'entrée
du Détroit Juan de Fuca. A l'approche de ce détroit, le roulis
et le tangage furent accentués sur une longue houle de NW. Nous
avons embouqué le détroit dans les voies réglementaires en restant
en contact avec Seattle Traffic. J'ai embarqué le pilote du
Puget Sound devant Port Angeles le lundi 3 avril à 11h53. Sous
la conduite du pilote, nous avons navigué à l'allure de mer
jusqu'à l'approche de Seattle. Avec l'assistance de deux remorqueurs,
nous avons accosté à 16h24 le long du Seattle Container Terminal.
Nos opérations
commerciales se sont déroulées du lundi 3 avril à 17h00 au mardi
4 à 04h30. Il a fallu que je vienne au secours du second-capitaine
indien à la suite des données erronées communiquées par le '
focal point ' américain. Il fallut que je rétablisse les données
pour pouvoir rectifier le ballastage et connaître la stabilité
et les efforts avant le départ.
A 06h25, nous
avons embarqué deux pilotes : un américain et un canadien. J'ai
installé ce dernier dans la cabine ' Armateur ' pour qu'il puisse
se reposer avant le passage de la frontière. Nous avons appareillé
à destination de Vancouver. Après avoir largué les remorqueurs,
nous sommes montés progressivement à l'allure de mer. Jusqu'au
changement de pilote, nous avions atteint dans le Puget Sound
la vitesse de 20,6 nœuds. Après avoir passé la suite au pilote
canadien, le pilote américain est alors allé se reposé dans
le deuxième lit de la cabine ' Armateur '. Après ralentissement,
nous sommes passés sous le Lions Bridge. Nous étions amarrés
au Vancouver Vanterm 5 Terminal à 15h18 ce mardi 4 avril 1989.
Depuis
Bremerhaven, nous avions parcouru 9138 milles à la vitesse moyenne
de 16,70 nœuds, distance à laquelle il faut ajouter 423 milles
de manœuvres.
A
l'arrivée, j'ai eu la visite des autorités canadiennes et celle
de notre Agent. J'ai eu ensuite la visite du shipchandler auquel
j'ai commandé des ' clams ', des pattes de ' king crabs ' et
du saumon fumé pour les officiers français de façon à améliorer
les menus du dimanche en particulier. A la fin de la manutention
et du saisissage, nous avons embarqué le pilote canadien à 11h30
le mercredi 5 avril 1989. Nous avons chenalé entre le continent
et l'île de Vancouver. J'ai débarqué le pilote devant Victoria
à 17h47. C'est sous mes ordres que nous avons transité dans
le Détroit Juan de Fuca ; nous étions en contact VHF avec Vancouver
Traffic et Seattle Traffic qui suivaient notre progression dans
le détroit à la vitesse de 19,2 nœuds. Nous sommes sortis du
détroit à 18h30 et avons mis le cap sur l'entrée de la Baie
de San Fransisco où nous sommes arrivés le vendredi 7 avril
à 09h12. Après être passés sous le Golden Gate et le sud de
l'île Alcatraz, nous sommes allés mouiller près de l'île Herba
Buena malgré avoir effectué la traversée à la bonne vitesse
de 18,68 nœuds. Notre place avait été occupée par un navire
de la Cie Hyundai.

Le Golden Gate
Au
mouillage, nous avons reçu un technicien Pielstick, venu de
France avec les nouveaux coussinets des bielles du maneton N°
5 du moteur tribord. Après 06h30 de travail continu, le moteur
était à nouveau disponible à l'arrivée à quai le vendredi 7
avril à 19h18. Pendant l'escale, selon les instructions de CGM
Le Havre, un technicien américain est monté à bord pour
démonter l'ensemble de l'installation Satcom qui avait été montée
à bord le voyage précédent à San Fransisco. Ce matériel devait
être acheminé en Floride pour être mis à bord d'un autre navire
CGM. Le CGM California sera vendu aux Anglais
de la Thames Shipping Company au prochain retour
à Bremerhaven. L'escale de nuit s'est déroulée pour le mieux
; nous avons appareillé à l'heure prévue soit 04h00 le samedi
8 avril 1989. Après la sortie de la Baie de San Fransisco, nous
avons fait route le long de la côte américaine. Le navire a
bien marché malgré le changement de coussinets, si ce n'est
un défaut de télécommande qui a été rapidement maîtrisé par
notre chef-mécanicien et notre assistant électricien français.
Nous étions à quai
à Long Beach le dimanche 9 avril à 06h30. Profitant de cette
escale dominicale, je suis sorti dés le début d'après-midi avec
l'électricien français. Pour aller visiter le paquebot Queen
Mary, transformé en musée pour une partie, en hôtel pour
une autre.
Après avoir visité
la passerelle, le poste des officiers radios, l'hôpital, la
chapelle, la cabine du commandant et la partie consacrée au
Queen Mary, transport de troupes pendant la 2ème Guerre
Mondiale, nous sommes sortis pour nous promener dans les coursives
extérieures où des orchestres de jazz New-Orleans se produisaient,
dans les grandes coursives abritées du pont-promenade ainsi
qu'à l'étrave du paquebot.

Avant de quitter
le Queen Mary, nous nous sommes accoudés au Bar de l'Atlantique
situé en fronton afin de prendre une bière avant de rentrer
à bord. Nous n'avons pas eu le temps de visiter le Spouse
Goose d'Howard Hughes qui se trouve sous une structure gonflable
à proximité du Queen Mary.
Les
opérations commerciales furent terminées ce dimanche à 17h15.
Je me suis intéressé à la stabilité avant le départ. Suite à
l'incident qui s'était produit au Havre à bord du CGM Columbia,
l 'ancien tank à huile était plein d'eau douce depuis notre
premier arrêt à Rotterdam. Cela permettait d'avoir des efforts
tranchants et des moments fléchissants corrects. Autrement dit,
nous partions dans de bonnes conditions de navigation avec un
navire plein.
Nous avons quitté
Long Beach à 18h00 le dimanche 9 avril 1989 à destination du
Canal de Panama. Au passage au large le l'île Benito ( Mexique
) le mardi 11 avril, la température de l'eau de mer est passée
de 18°C à 22°C l'après-midi. C'était suffisant pour que je fasse
nettoyer la piscine par l'équipage birman. En contrepartie,
au fur et à mesure que la température de la mer montait, nous
étions obligés de ralentir pour maintenir les températures d'échappement
à une valeur acceptable. Le vendredi 14 avril, la température
de la mer était de 29°C. Le samedi 15 avril, après avoir fait
effectuer les essais réglementaires conformément au CFR 35 dans
le Golfe de Téhuantépec par beau temps et vent calme, j'ai offert
un pot général suivi d'un barbecue sur le pont-piscine.

J'ai toujours été
partisan de cette agréable rencontre en veillant bien à ce que
il n'y ait pas de débordements pour raison d'alcool. C'est dans
le Golfe de Téhuantépec que j'avais été transféré en mer du
cargo Mississipi de la Cie Gle Transatlantique
au pétrolier Loire de la Cie Gle d'Armement Maritime.
Je remplaçais un lieutenant qui avait été débarqué pour raison
médicale au passage au Canal de Panama. Nous étions trois lieutenants
à bord de notre cargo.
Nous sommes arrivés
à 20h00 sur rade de Balboa. Par échange VHF avec Flamenco Signal
Station, j'ai appris que nous transiterions directement. Nous
avons reçu le ' boarding officer ' et le premier pilote à 20h12
. J'avais la ' clearance ' en main à 20h28. Comme nous allions
manquer de riz pendant la traversée retour, j'avais commandé
à notre Agent CGM à Panama City une cinquantaine
de kilos de riz. Une vedette nous a suivis pendant que nous
chenalions vers l'entrée du Canal de Panama. Le riz fut livré
par sacs de cinq kilos. ; au cours du transbordement entre la
vedette et le pont du navire, un sac de riz tomba à l'eau. J'en
informa notre Agent.
Nous avons engainé
le chenal d'accès à 20h43 et sommes passés sous le Pont des
Amériques. Devant Balboa, nous avons embarqué le deuxième pilote
et les lamaneurs. Un remorqueur nous assista à l'entrée dans
l'écluse de Miraflorès. Il en fut de même pour l'entrée dans
l'écluse Pedro Miguel. Après débarquement des lamaneurs, nous
avons transité dans la Gaillard Cut. Après la traversée du Lac
de Gatun et embarquement de la nouvelle équipe de lamaneurs,
un remorqueur nous a assistés dans la présentation à l'écluse
de Gatun.
A
chaque franchissement du Canal de Panama, il y a une locomotive
à l'avant de chaque bord et deux à l'arrière. Le travail des
lamaneurs dont le rôle est d'une part pour le lanceur de positionner
la touline au milieu du canot manœuvré par un rameur de façon
à ce que le canotier y attache un cordage plus gros sur lequel
étaient amarrés les brins d'acier des locomotives, d'autre part
de les embarquer à l'aide du treuil manœuvré, soit par le bosun,
soit par un timonier. Les lamaneurs capèlent aux bittes d'amarrage
l'œil des remorques des locomotives ou mules. De même, ils larguent
les mules à la sortie de l'écluse. Lorsque les lamaneurs ont
terminé leur travail, ils ont tendance à se promener dans le
navire, soi-disant pour vendre des cartes postales ou autres
souvenirs, mais surtout pour voir s'il n'y a pas quelque chose
à voler dans les cabines ou les locaux ouverts, d'où grande
méfiance et portes fermées à clef.
Nous avons débarqué
les lamaneurs à 03h45 et les deux pilotes à 04h06 le lundi 17
avril 1989. A 04h12, notre Agent à Cristobal est monté à bord
en compagnie du Captain Coates, commandant de l'Armement Thames
Shipping qui embarquait en qualité d'observateur avant de prendre
le commandement du navire à la vente du CGM California à Bremerhaven.
L' Agent me le présenta sur la passerelle et quitta ensuite
le navire à bord de la vedette qui nous suivait.
Traversée
de l'Océan Atlantique Eastbound
Nous avons franchi
les jetées extérieures de la rade Cristobal le lundi 17 avril
à 04h27 Notre destination était Le Havre. Comme les deux fois
précédentes, j'ai choisi pour quitter la mer des Antilles de
faire route sur le Windward Passage entre Cuba et Haïti et du
Caïcos Passage ( Bahamas ). Nous avons franchi le Caïcos Passage
le mercredi 19 avril à 13h00. Nous étions alors dans l'Océan
Atlantique où nous avons eu des conditions favorables en ce
début de traversée. J'ai profité d'être tranquille pour faire
la visite du navire en compagnie du Captain Coates. Il fallait
être prudent lors de ces visites de façon à lui monter essentiellement
le bon côté des choses et répondre à ses questions en faisant
attention à tout ce que je lui disais. Nous avons subi une détérioration
rapide du temps dans la nuit et dans la journée du 22 avril.
Nous avons noté le passage de deux dépressions donnant une mer
forte à très forte de l'arrière, ce qui ne perturbait pas beaucoup
notre vitesse.
A 17h15 le mardi
25 avril 1989, j'ai reçu un message de déroutement sur Félixtowe
à la place du Havre qui était notre destination première. Le
navire marchait bien dans l'ensemble. Nous sommes passés à 12h00
le vendredi 28 avril 1989 dans le sud du bateau-feu Channel
; j'ai alors pris la route du Pas-de-Calais en suivant les routes
recommandées. Nous avions du très beau temps et une excellente
visibilité pour le franchissement du détroit. Nous étions le
samedi 29 avril à 00h43 dans l'ouest du bateau-feu Sandettié
; nous avons alors coupé la voie de navigation descendante pour
rejoindre l'est du bateau-feu East-Goodwin. J'ai embarqué le
pilote anglais à proximité du bateau-feu Sunk à 04h00. Nous
étions accostés à 05h36 au Delta Container Terminal de Felixtowe.
J'étais heureux
du déroulement de cette traversée retour malgré les trois stoppages
du moteur tribord pour remplacement de soupapes d'échappement,
ce qui était habituel sur les moteurs semi-rapides Pielstick.
Ce plaisir était d'autant plus grand que le commandant anglais
était observateur à bord et que je devais lui monter un navire
en bon état.
La
Tournée Européenne
La manutention
fut rapide et sans incidents majeurs. Pour me détendre, je suis
allé me promener dans les rues de Felixtowe et sur le front
de mer où j'ai pris une pinte de bière avant de rentrer à bord.
Nous avons appareillé ce samedi 29 avril à 20h30 à destination
de Rotterdam. Le traversée est très courte puisque nous avons
débarqué le pilote anglais à 22h10 et embarqué le pilote hollandais
à 04h27 dans le sud de la bouée Maas Center. Nous étions accostés
à notre poste habituel du Margriethaven le dimanche 30 avril
à 07h30. Une nouvelle fois, je n'avais pas fermé l'œil de la
nuit. A l'arrivée, je fus dérangé pour les formalités administratives.
Je dus aussi rester à la disposition du commandant anglais.
Par contre, l'après-midi, je pus m'éclipser pour faire une bonne
sieste réparatrice.
Les opérations
commerciales furent terminées à 19h00. Après que le bosun et
les timoniers aient mis de l'ordre sur le pont : panneaux fermés,
grues au poste de mer, nous avons appareillé de Rotterdam à
21h30 le dimanche 30 avril 1989 à destination de Bremerhaven
après avoir embarqué le chef mécanicien anglais qui naviguera
avec le navire par la suite. Le commandant Coates a assisté
à toute la manœuvre. Nous avions du très beau temps et une très
bonne visibilité. A minuit, je suis allé me reposer en demandant
au 2ème officier de me prévenir en même temps que le 3ème officier
dans lequel je n'avais toujours aucune confiance.
Nous avons effectué
le trajet depuis Rotterdam à la vitesse de 18,14 nœuds avec
vent et courant favorables. C'était l'idéal pour montrer au
commandant anglais que le CGM California marchait bien.
J'ai embarqué le pilote allemand à l'estuaire de la Weser le
lundi 1er mai à 11h33. Nous étions à 14h30 le long du Container
Terminal Kaiser Wilhem. Notre déchargement se déroula dans la
matinée du mardi 2 mai 1989. C'est 13h15, heure de la fin de
la manutention qui fut notée pour la fin de l'affrètement P.E.X
du navire. Un' Statement of Fact ' fut alors établi. Un relevé
contradictoire des sondes de combustibles fut effectué par mon
chef mécanicien pour la C.G.M. et le chef anglais pour la Thames
Shipping.
Bremerhaven
Vente du CGM
California
Nous avons quitté
le Container Terminal à 15h00 le mardi 2 mai 1989 et avons culé
vers l'écluse de Bremerhaven avec l'assistance de trois remorqueurs.
Nous avons effectué la manœuvre d'entrée dans le dock flottant
de 16h40 à 18h17 ; celui-ci fut en position haute à 20h00.

Manoeuvre d'entrée
dans le dock

Le CGM California sur
le dock flottant de Bremerhaven
La vie s'est organisée
sur le dock flottant. Le Capitaine d'Armement Thames Shipping
et des techniciens sont venus à bord pour inspecter le navire.
Dans un premier temps, je n'ai logé que le commandant et le
chef mécanicien anglais. Ma vie sur le dock se passait entre
des rondes au fond du dock avec les ingénieurs Thames Shipping,
des conférences dans le salon Armateur situé dans le prolongement
de mon bureau et des rondes sur le pont, dans les cales et dans
les garages. Nous sommes restés sur dock flottant jusqu'au vendredi
5 mai 1989 à 16h18.
Nous avons alors
accosté à 17h00 le long de l'ancien quai bananier avec l'assistance
de deux remorqueurs. Je venais d'effectuer ma dernière manœuvre
de commandant de ce navire, peut-être avec une certaine nostalgie
malgré toutes les pannes et les soucis que le CGM California
a pu me donner au cours de ces huit mois et demi d'embarquement.
Malgré toutes les difficultés rencontrées et les nombreuses
nuits blanches passées sur la passerelle ou en salle des machines
lors de deux premiers voyages, je garderai un bon souvenir de
ce premier embarquement de commandant qui fut très formateur.
Au cours du dernier voyage, le moral de l'équipage fut meilleur
avec l'embarquement de mon quatrième chef mécanicien français.
Avant de débarquer, l'équipage birmano-indien m'offrit un souvenir
dédicacé par tous. Le samedi 6 mai 1989, un bus était à 06h00
le long du bord. Tout l'équipage birman et indien à l 'exception
du second-mécanicien embarqua dans le bus après m'avoir salué.
Il les conduisit à l'aéroport de Hambourg. Je dus aussi me séparer
du second-mécanicien et de l'électricien français dont j'avais
apprécié l'efficacité pendant leur séjour à bord. Il ne restait
alors à bord que le chef mécanicien, le second-mécanicien indien
et moi-même.
Dans la matinée,
quelques officiers anglais arrivèrent à bord ainsi qu'un cuisinier
et un maître d'hôtel philippins ; ils dépendaient du même organisme
marchand d'hommes que le notre : Wallem Shipmanagement.
Le vente officielle
du CGM California à Thames Shipping Company
( Isle of Man ) et le changement de pavillon furent effectués
le mardi 9 mai 1989 à 12h25.

Descente du pavillon birman

Le
chef-mécanicien français et moi-même, nous étions alors libre
de débarquer. Notre billet d'avion fut pris par l'Agence C.G.M.
de Bremerhaven pour le lendemain matin. La présence des deux
français supplémentaires s'est avérée essentielle pour aider
le chef-mécanicien dans les nombreuses tâches que l'on rencontre
à bord d'un navire automatisé alors que l'équipage - officiers
et personnel subalterne - ne sont pas formés à ce genre de navires.
J'avais été très déçu par le second-mécanicien indien qui était
en principe un ' first class certificate '. Il ne fut pas particulièrement
heureux de rester à bord avec le nouvel équipage de la Thames
Shipping Company.
|